Comment retenir et protéger nos moments intimes, nos traces de vie?
Comment ne pas avoir peur du temps qui passe et qui nous conduit inexorablement vers la mort? Comment transcender l'instant, ce présent déjà passé?
L'image est vraiment l'expression de notre impuissance à retenir le temps, elle nous renvoie à notre mortalité et notre fragilité, elle est le témoin fugace d'un moment unique à jamais perdu.
Le besoin de laisser une trace s'exprime entre autre par elle, il est dérisoire futile et pathétique.
La chasse à l'instant, la capture du moment, matérialiser le souvenir, rendre l'émotion tangible afin de se rassurer, voilà à mon humble avis la quête profonde de tout créateur, elle est en tout cas la mienne.
Comme la madeleine de Marcel Proust est l'icône du temps perdu, la photographie est le témoin de notre caractère mortel.
Je vais mourir et ne l'accepte pas, je me console et me rassure en figeant ma vie dans des images ou des objets, démarche contradictoire puisqu'ils me renvoient en permanence à un passé à jamais révolu.
La photographie et le close-up en particulier sont par leur coté vase-clos-confiné un bon moyen d'expression du désir de s'accrocher au présent.
L'album de photos est un peu le pendant moderne du cabinet de curiosités ou des chambres de merveilles de la renaissance.
Il ne laisse pas le choix au spectateur, il l'enferme dans un petit espace clos sans autre alternative, il l'oblige à considérer son statut d'être mortel unique.
La relique a toujours eu pour moi un coté attirant et sordide à la fois, elle est l'illustration d'un souvenir, la matérialisation d'une pensée, l'objet qui renvoit au souvenir...
La photo est une relique, elle est la trace de notre passé, le témoin du temps qui passe, de la vie qui s'écoule, de la mort qui arrive, juste un petit bonheur sordide dérisoire et pourrissant.